La Voix-de-l'Est. Le 19 novembre 2010
Éric Gagnon et Guy Paquette, rebaptisés respectivement Anubhava et Gokulananda, lors de leur intégration chez les Krishnas, ont présenté les préceptes de leur mouvement aux jeunes du Collège Mont-Sacré-Coeur.
Éric Gagnon et Guy Paquette, rebaptisés respectivement Anubhava et Gokulananda, lors de leur intégration chez les Krishnas, ont présenté les préceptes de leur mouvement aux jeunes du Collège Mont-Sacré-Coeur.
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photo Alain Dion
Nancy Beaulieu La Voix de l'Est
Nancy Beaulieu La Voix de l'Est
(Granby) Faire danser une vingtaine d'adolescents en leur faisant réciter le mantra des Hare Krishna: c'est ce qu'ont réussi à faire trois dévots Krishna, au Collège Mont-Sacré-Coeur, mardi.
Invités pour la troisième année par l'enseignant Marc Gagné, ils sont descendus de Montréal, où est situé leur temple, afin de parler du mouvement Krishna à des élèves du cours d'Éthique et de culture religieuse du collège privé de Granby.
Arborant les habits traditionnels (sari pour la femme, tunique sobre et dhotî, un drapé formant un pantalon, pour les hommes) et maquillés de symboles tracés sur le nez et le front avec une terre «sacrée» jaune provenant de l'Inde, les dévots se sont d'abord brièvement présentés au groupe.
L'aîné, Guy Paquette, 62 ans, originaire d'Ottawa et rebaptisé Gokulananda lors de son intégration aux Krishna, il y a une quarantaine d'années, a expliqué qu'il avait grandi dans la foi catholique. «Ma mère m'amenait chaque dimanche à la messe, où j'étais enfant de choeur, jusqu'à ce que j'entre au séminaire», raconte-t-il. Ce cheminement l'a par la suite «amené vers (la) très ancienne tradition spirituelle» des Krishna.
Éric Gagnon, 54 ans, a aussi grandi dans la religion catholique dans une ferme à Jonquière. Il a été rebaptisé «Anubhava» lorsqu'il s'est joint au mouvement avec sa femme, en 1978.
La jeune Alexandra, une Russe de 26 ans, était quant à elle hôtesse de l'air jusqu'à ce qu'elle rencontre un autre dévot et devienne Kamala-Sundare, il y a deux ans.
Les trois membres ont ensuite expliqué aux élèves quelques préceptes du mouvement perpétué en Inde.
Comme le soleil qui est toujours présent même après son coucher, «la vérité existe pour toujours», commence Gokulanada. «Jésus est un être spirituel éternel»,dit-il en se déplaçant devant l’auditoire disposé en cercle. «Il (Jésus) n’est pas venu comme sauveur. Il est venu pour nous aider à devenir un parfait fils de Dieu, comme lui, à avoir un amour éternel pur Dieu, donc pour tous les êtres, poursuit-il. Le but de la religion, le but de la vie, c’est d’atteindre l’amour pour Dieu.»
On est des âmes éternelles, enchaîne-t-il. On existait avant cette vie et on va continuer après. On est des êtres éternels. On ne fait pas partie de la nature éphémère et des animaux, dont le potentiel spirituel est comme endormi», disserte le dévot, ajoutant que les humains avaient, eux, une conscience leur permettant de se questionner sur le sens de l’existence. «Les humains ont toujours tenté de répondre (à cela), mais les grands saints nous ont donné les bons indices», dit-il aux élèves. L’éducation, selon les penseurs grecs anciens, «c’est d’équiper les jeunes pour qu’ils fassent de bons choix », ajout-t-il. «On (les Krishna) est très désireux d’offrir ça aux autres», lâche-t-il avant de parler brièvement de son parcours personnel.
J’ai eu deux fils, un qui est devenu prof d’anthropologie à l’université (..) et un autre qui s’est intégré dans la tradition (Krishna). Je suis content quand il y a des gens qui suivent (le mouvement)», dit-il avant de reprendre son discours religieux, en faisant référence aux préceptes chrétiens. «Aimez-vous les uns les autres. Aimer son prochain, c’est possible quand on voit la fraternité qui nous unit. On a le même père (Dieu). Chacun de nous possède une parcelle de Dieu», affirme-t-il, avant d’inviter «Anubhava» à présenter la pratique spirituelle des Krishna qui consiste à chanter un mantra répétant les «saints noms de Dieu», la pratique principale des Krishna.
«Nous, nous glorifions Dieu en glorifiant son nom, car sa gloire est dans son nom», enchaîne ce dernier, expliquant que les mots en langue sanskrite «Rama» et «Hare», réfèrent à Dieu (Krishna), la source de tous les plaisirs et du bonheur. «On chante chaque jour abondamment son nom», indique Anubhava, précisant que les dévots de Montréal se levaient à 4 h pour commencer leur chant et cérémonie à 4 h 30 et terminer à 9 h. «C’est un chant qui va loin, jusqu’à l’âme, pour nous éveiller spirituellement», explique Gokulanada. «On va les faire chanter tout à l’heure», lance le professeur, M. Gagné.
Les trois dévots invitent les jeunes et le professeur à se lever et à chanter. «Hare Krishna Hare Krishna, Hare Krishna Hare Hare Hare Rama Hare Rama, Rama Rama Hare Hare, entonnent-ils, certains plus enthousiastes que d’autres, au rythme d’un tam tam oblong et de minicymbales. Puis ils se mettent à tourner en cercle, en faisant des pas de côté et en tapant des mains, certains décrochant des sourires complices à l’auteure de ces lignes, d’autres en profitant pour se raconter des anecdotes de la veille.
La pratique du chant en groupe est «la méthode la plus efficace et la plus accessible pour atteindre notre plein potentiel spirituel en tant qu’âmes éternelles et serviteurs dévoués de Krishna», peut-on lire sur le site web de l’organisation.
«Comment vous sentez-vous?», demande Anubhava, après le chant, censé être «un procédé très puissant de réalisation spirituelle» selon les Krishna.
«Bien», répond un élève, sur un ton qui fait rire ses congénères.
«Vous avez tous le sourire», note le dévot. «C’est un mantra. Ça nous extériorise. On chante et on danse; on déplace nos limites.»
À l’invitation du professeur du cours d’ÉCR, Anubhava détaille le cheminement qui l’a mené aux Krishna. «Je suis venu à Montréal en 1966. En 1968, j’ai rencontré les dévots, puis j’ai visité le temple en 1974, 1975. À cette époque, il y avait de la drogue, beaucoup de gens se cherchaient. Il y avait beaucoup d’ouvrage aussi. Partout où tu allais, tu trouvais du travail, mais il y avait un vide sur le plan spirituel.»
«Moi, je suis né dans la spiritualité. Vous avez d’ailleurs de très belles peintures ici», ajoute-t-il au passage, en désignant les grandes toiles représentant des scènes de la vie du Christ accrochées aux murs de la pièce. Ce dernier a aussi raconté qu’il vivait en appartement lors de son intégration, avec un autre jeune couple, qui avait également intégré le mouvement Krishna «Je me souviens, il n’y avait rien dans l’appartement. On dormait directement sur le sol. Une fois, un voleur est venu, et c’était drôle, il est reparti parce qu’il n’y avait rien du tout», relate-t-il.
«On valorise le dénuement, précise Gokulananda, car on a plus de temps et d’énergie pour la vie spirituelle.»
Réincarnation
Lorsqu’invités à interroger les dévots, les élèves ont posé des questions notamment sur la façon dont se déroulait une de leur journée-type au temple, sur l’interdiction de consommer de l’alcool, des drogues, du tabac, du thé et du café, pour «garder le corps intègre afin de permettre à l’esprit de s’élever», dit Gokulananda, et sur la signification des habits et des lignes dorées tracées sur leur visage. «C’est pour manifester notre identité spirituelle. Le corps est un temple pour notre esprit», a-t-il aussi expliqué.
«Faites-vous pousser vos propres aliments ? », demande un autre élève. «Oui, dans la mesure du possible», lui répond le dévot. «Donc, vous êtes environnementalistes?» «Oui, beaucoup», confirme Gokulananda.
Certaines questions sont plus existentielles. «Si nous sommes des êtres spirituels, est-ce que nous nous réincarnerons ?» demande une autre élève. «Oui, tranche Gokulananda. On se réincarne chaque minute. Le corps est toujours en croissance, mais l’âme ne subit pas ces changements. Elle est inaltérable.»
«Oui, mais est-ce que l’on va se réincarner en un autre être humain ?, insiste la jeune femme. Sinon, à quoi ça sert de faire un progrès spirituel ?»
«Si tu as fait un progrès spirituel, tu peux être sûre que tu vas recommencer à ce même point dans ta prochaine vie. Mais si tu as vécu comme un animal», alors Dieu va dire : «C’est ça que tu veux, bien vas-y», et il va te réincarner en animal», répond Gokulananda, qui précise d’ailleurs que les Krishna pratiquent le végétarisme par compassion pour les animaux, «parce que c’est des âmes en expansion».»
«Peut-on facilement sortir de votre mouvement ?», demande un autre. Oui, si tu fais deux semaines, un mois dans cette vie, tu pourras reprendre dans une autre vie», explique Anubhava.
Les dévots offrent des laddus aux élèves, le gâteau sucré le plus populaire de l’Inde, selon eux, en les invitant à prendre leurs coordonnées et un dépliant intitulé «La perfection du Yoga», un fascicule qui ne traite en rien des postures corporelles de la gymnastique, mais plutôt de leur pratique du chant des «Saints noms de Dieu».
Pourquoi avoir invité des Krishna ?
«J’ai d’abord voulu leur apprendre la tolérance et l’acceptation de la différence», explique le professeur en entrevue après le cours, ajoutant qu’il a aussi voulu mettre les élèves en contact avec la spiritualité. «On vit dans une société très matérialiste, et vous (désignant les Krishna), vous arrivez ici avec vos valeurs spirituelles. Si c’était seulement Marc Gagné qui parlait (aux élèves), je ne suis pas sûr qu’ils seraient aussi attentifs», dit-il.
«C’est la troisième année que je fais venir des amis Krishnas» de Montréal, poursuit-il, spécifiant qu’il le faisait également dans les anciens cours de morale. Pourquoi eux et pas des juifs, des musulmans ou des membres de l’Église ? «Je fais appel aux Krishna parce qu’ils sont toujours disponibles, et parce que les élèves sont très intéressés», dit-il précisant que des prêtres catholiques sont venus par le passé.
«Je ne ferais jamais venir de Raéliens, par contre. Mais si j’avais des contacts aussi chez les musulmans et les juifs, j’en ferais venir», assure l’enseignant.
Si certains ont dit avoir trouvé les invités du jour trop «extrêmes», d’autres jeunes ont confié avoir beaucoup apprécié la rencontre. «J’ai appris la chanson par cœur ! s’exclame Mélodie, venue spontanément à la rencontre de la journaliste. Je me suis sentie beaucoup plus vivante après. Le fait de chanter en groupe, ça vivifie, dit-elle, et ça nous unit de tous penser à la même chose en même temps.»
D’autres ont affirmé avoir trouvé les Krishna respectueux de leur religion (catholique). «On ne dirait pas que c’est un brainwash», dit une élève. «C’est totalement différent de mes croyances, dit une autre. L’idée n’est pas mauvaise, mais je ne crois pas à ça, tout en acceptant que d’autres peuvent y croire.» «Je suis d’accord. Chacun a son interprétation de la vie. Tant que tu es bien dans ta vision…», poursuit une autre.
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Téléphone de l’École du Mont Sacré-Cœur : (450) 372-6882
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